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PIERRE PAUL RUBENS  SOUS LA TONNELLE DE CHÈVREFEUILLE 1609 Pierre Paul Rubens - Sous la tonnelle de chèvrefeuille 1609 Huile sur toile - 178x136,5cm - Munich Alte Pinakothek Peu après son retour d’Italie où il séjourna huit années, Pierre Paul Rubens épouse en 1609 Isabelle Brant, fille de l’humaniste et avocat anversois Jan Brant. Pour célébrer cette union Rubens peint ce tableau de mariage représentant en un double portrait les jeunes épousés. Loin d’une représentation compassée l’œuvre séduit le regard par le charme de son naturel, le raffinement de ses harmonies, la poétique des sentiments exprimés. L’espace condense la plénitude de leur présence comme saisie sur le vif lors d’une promenade champêtre. Pour se reposer, Rubens et Isabelle se sont-ils assis à l’ombre d’une tonnelle de  chèvrefeuille, lui sur un banc en bois de la manière la plus naturelle  qui soit, jambes croisées, le buste imperceptiblement incliné vers la jeune femme assise à ses côtés en

La rue Mosnier aux paveurs

EDOUARD MANET

LA RUE MOSNIER AUX PAVEURS
1878

Edouard Manet la rue Mosnier aux paveurs - 1878
Huile sur toile - 64 x 80 cm - Cambridge Fitzwilliam Museum


 

Quelques ouvriers s’affairent à repaver la chaussée, obstruant la rue Mosnier observée depuis l’atelier de l’appartement du peintre situé à l’étage élevé d’un immeuble au 4 rue de Saint Pétersbourg. De petits personnages clairsemés vaquent à leurs occupations journalières dans une ambiance chaude, claire et vibrante, ocres bleutées ponctuées du gris noir des embrasures, de discrets réverbères et attelages. Les silhouettes des paveurs occupés à restaurer la voie à l’avant-plan représentent réellement une borne, un obstacle, tout comme l’ouverture de la chaussée l’est pour des équipages obligés de stationner. Les blouses des ouvriers, touches lumineuses de blanc de céruse teintées de larges frottis bleutés assombris soulignent l’inclinaison des corps en pleine action. Le temps indispensable à la réfection des pavés se perçoit dans le labeur spécialisé de chacun.
  Au loin de petites silhouettes semblent être attirées par les vastes taches claires en bout d’artère comme pour abandonner ce tronçon immobilisé par les travaux et le laisser à sa torpeur passagère.
  Une calme fatalité transpire de cet instant d’après-midi observé par le peintre.
  Stoppée par le déchaussement des pavés, une calèche en stationnement et la fine esquisse du cheval dit toute l’attente nerveuse et la curiosité de la bête, son élégance, la beauté des tons bistres de sa robe. Véritable joyau que cette diligence, son cocher et l’animal rehaussé du blanc de la chemise d’un paveur. Les motifs se dessinent, les éléments se coordonnent en même temps que la composition se structure. Masse sombre stationnée en bordure de trottoir sur la droite, fourgon de déménagement, petits personnages sont conçus pour se compléter par modulations multiples et dispersées.
  Des ombres bleutées balaient les encoignures de fenêtres, glissent sur les balustrades, inondent par pans entiers les façades. Un bleu cyan tombe sur la moitié arrière de la rue, remonte sur l’immeuble de droite, envahit le fond et crée dans cet espace géométrique l’ambiance diffuse d’un chaud après-midi parisien dans un quartier ensoleillé. Vibre dans le lointain un petit pan de ciel bleu, enserré entre les immeubles.
  La sensualité de ces bleus et des beiges rosés rejoints par l’ocre jaune plus ou moins soutenu ou lumineux selon les endroits et les fonctions suscite la sensation d’une continuelle butée. Les cyans sourds profonds tantôt violacés parfois ocrés coupés d’une large plage transversale d’un gris chaud se prolongent, brièvement entravés par le noir d’une calèche en arrêt pour se répandre à l’avant sous nos yeux vers les paveurs. Le souffle n’en finit pas de s’étendre sur l’ensemble de la toile, subjugué, émerveillé, sautant allègrement les quelques obstacles gris noir éclairés de la brillance à peine ébauchée du cheval immobilisé au premier plan. La justesse de valeurs de tons autant que la sobriété synthétique de chaque détail éblouissent.
  Une invincible impression de reprise en sens inverse renvoie le regard implacablement vers le premier plan pourtant lui aussi bloqué par les travaux. Ainsi se crée un perpétuel aller-retour de l’avant vers l’arrière telle une promenade sans fin dans ce goulot de la rue Mosnier dont il n’est momentanément pas possible de s’échapper.
  D’étonnantes abstractions de taches claires ouvrent ce parallélépipède de façades rectilignes composant une harmonie subtile et homogène d’ocre, jaune pâle et bleu violet.
  L’étroit pan de ciel évidé entre les immeubles se répercute renvoyé comme prêt à redescendre sur la large plage supérieure du dernier bâtiment de gauche au faire à peine ébauché, sur les lignes de fuite des étages. Quelques tracés gris souris scandent la perspective entre l’ocre assombrie de la façade où des virgules de même gris soulignent les embrasures de fenêtres. L’imagination du spectateur recompose l’image d’une architecture grâce aux données fournies par l’ensemble du tableau.
  Le panneau publicitaire au premier plan à l’angle supérieur gauche apparait comme étranger à la nature parisienne de l’espace urbain. L’affichage apposé sur le mur aveugle de ce bloc de logements de cette seconde partie architecturale domine une palissade protectrice du vide pour les passants. La chaleur des ocres jaunes au centre de la chaussée à l’avant-plan par l’absence d’ombre due à ce vide laisse la lumière ricocher en plein sur les façades du trottoir opposé et nuancer les détails avec une sobriété de palette et une concision anecdotique sidérante. L’œil du peintre n’a pas manqué de tirer parti de cette béance virtuelle pour y faire jouer le clair-obscur.
L’harmonie jaune, ocre, bleu-violet de l’ensemble, écrin homogène, se rafraîchit du vert d’un arbre et de quelques verdures à peine esquissées sur les balcons. Assourdie, elle balaie les vieilles pierres des bourgeoises demeures. L’ambiance de cette rue ensoleillée est d’une belle et d’autant plus calme après-midi parisienne qu’elle est entravée.
 
L’homogénéité de ce chef d’œuvre appelle le regard à le parcourir sans fin.
 
                          
 

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